Écrire des scènes pertinentes

Crédit photo : Holly Mandarich sur Unsplash

Dans les deux articles précédents, Structurer un roman – Partie 1/2, et Structurer un roman – Partie 2/2, nous avons présenté quelques outils utiles à l’élaboration d’une solide intrigue. Cela pourrait vous aider à obtenir un premier synopsis complet de votre histoire. Maintenant, comment passe-t-on de cette ossature qui tient sur une page ou deux à un roman de 200 pages ? En décomposant l’histoire en blocs que l’on appelle des scènes. Imaginez que ces blocs sont des dominos. S’ils sont alignés de manière cohérente du début à la fin, la chute du premier domino entraînera celle de tous les autres. Votre roman se déroulera alors comme une mécanique bien huilée. Par contre, si certains dominos sont mal positionnés ou superflus, il y aura des blocages et vous risquerez de perdre vos lecteurs en route.

Cet aspect de l’écriture, le passage de l’intrigue aux scènes, est souvent négligé et pourtant il est fondamental. Lorsque j’ai écrit mon premier roman, Beatlemaniac, j’ai beaucoup fonctionné à l’instinct, mais avec de nombreux doutes, notamment sur la pertinence des scènes. Cela m’a donné envie d’explorer davantage cet aspect de l’écriture.

Qu’est-ce qu’une scène ?

La scène est l’unité dramatique de base, c’est-à-dire la plus petite unité d’action. Chaque scène est centrée sur une action, c’est-à-dire que quelqu’un agit pour obtenir quelque chose. Elle doit être conçue comme une mini-intrigue avec un début (événement déclencheur), un milieu (développement) et une fin (résolution). Elle se caractérise également par l’unité de lieu (un seul lieu à choisir avec soin) et l’unité de temps (la scène se déroule en temps réel).

Comment s’assurer d’écrire des scènes pertinentes

Pour qu’une scène soit pertinente, elle doit être utile au roman et en particulier fournir des informations qui vont faire avancer l’intrigue. Elle représente l’un de ces dominos qui, en tombant, entraînent irrésistiblement l’histoire vers l’avant jusqu’à son dénouement. Pour ce faire, il faut qu’elle possède trois ingrédients essentiels: un objectif, du conflit et un résultat.

L’objectif :

Il n’y a pas de scène sans personnages et vos personnages veulent forcément quelque chose, car sinon il n’y aurait pas d’histoire. L’objectif est le détonateur de la scène. Votre protagoniste a un objectif principal (ou macro) au niveau du roman, ce que l’on appelle la quête dans le cadre du schéma actantiel (voir Le schéma narratif et le schéma actantiel). Il doit aussi avoir un objectif micro à l’échelle de chaque scène et celui-ci va contribuer à l’objectif macro. C’est ce qui rend la scène pertinente. Dans le cadre d’un roman policier, par exemple, l’objectif macro du détective sera d’arrêter le tueur en série. L’objectif micro d’une scène particulière pourra être d’obtenir le début d’une piste en interrogeant un témoin.

Il est possible parfois qu’un même objectif soit traité sur plusieurs scènes, ce que l’on appelle une séquence.

Le conflit :

Dans tous les articles et livres sur l’écriture de fiction on insiste sur l’importance du conflit, mais le plus souvent sans expliquer ce que l’on entend par là. Si l’on pense uniquement à la définition ordinaire du terme, une dispute ou un désaccord entre personnes, on passe à côté d’une partie de ce qu’il implique dans le cadre de la fiction. En fait, le conflit consiste en tous les obstacles qui se dressent entre un personnage et son objectif. Il peut s’agir d’obstacles externes : une tempête, un accident, un objet, la volonté d’une autre personne, etc. Il existe également des obstacles internes (un conflit intérieur), lorsqu’une partie (souvent inconsciente) du personnage résiste à son objectif affiché.

Le conflit va donc être au centre de la scène. Il est important qu’il s’intègre de manière cohérente dans l’histoire et soit un obstacle direct à l’objectif de la scène.

Le conflit est essentiel, car si votre héros obtient ce qu’il veut sans difficulté, la scène tourne court. Ce qui fait l’intérêt d’une histoire, c’est la lutte du protagoniste pour atteindre son but. On dit souvent, « pas de conflit, pas d’histoire ».

Le résultat :

L’action de la scène doit déboucher sur une résolution par rapport à son objectif avec trois options : un succès, un échec (le plus souvent) ou éventuellement un report (la poursuite de l’objectif est repoussée). La résolution met fin à la scène.

Deux types de scènes

Dans une série d’articles de blog sur la structure des scènes, K.M. Weiland distingue deux types de scènes : la scène – action et la scène – réaction (appelée aussi suite). Cette distinction me paraît intéressante, car elle vous donne plus d’options dans la construction de vos scènes.

La scène – action :

C’est la scène par excellence, avec le triptyque objectif – conflit – résultat que l’on vient de décrire. Pour le résultat, K.M. Weiland préfère utiliser le terme « désastre », car la résolution de la scène débouche généralement sur un échec. Ce désastre prépare le terrain pour l’objectif de la scène suivante. Imaginez par exemple le policier qui tend un piège au tueur pour le capturer, mais c’est finalement lui qui est pris en otage.

La scène – réaction :

Ce type de scène est parfois appelé « suite », car la scène – réaction succède toujours à une scène – action classique. Il peut y avoir du conflit, mais plus vraisemblablement il y aura de la tension, c’est-à-dire la menace d’un conflit. Ce sont des scènes généralement moins rapides et plus introspectives que les scènes – action.

Les trois blocs de ce type de scène sont : la réaction, le dilemme et la décision.

La réaction :

Ce type de scène est axé sur la réaction, sur l’introspection du personnage principal après un désastre. Si l’on reprend l’exemple du policier qui a vu son piège se retourner contre lui et se retrouve pris en otage par le tueur, il va devoir dans un premier temps encaisser le coup et passer par différents états émotionnels.

Le dilemme :

Après une première réaction à chaud, le protagoniste va cogiter pour tenter de trouver une issue à la situation désastreuse dans laquelle il se trouve, pesant le pour et le contre des différentes options. Le policier – otage peut se demander s’il va chercher à s’évader, à obtenir l’aide d’une personne extérieure ou à lancer une attaque-surprise contre le tueur.

La décision :

Après la phase de questionnement vient celle de la décision. De cette décision dépendra l’objectif de la scène suivante, qui sera une scène – action.

Voilà, j’espère que cet article vous aidera à écrire des scènes pertinentes. Si vous voulez creuser davantage la question, je vous conseille le livre d’Anaël Verdier, Comment écrire des scènes en 21 jours, et le blog de K.M. Weiland (en anglais).

On se retrouve prochainement pour un nouvel article consacré aux scènes (Écrire des scènes captivantes) sur Vivre d’écriture. Si vous avez des questions ou des commentaires, n’hésitez pas.

Frédéric

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