Allez, avouons-le, comme beaucoup d’apprentis – écrivains, nous rêvons de pouvoir vivre un jour de la vente de nos livres. Est-ce possible ? Oui. Est-ce probable ? Non. Présenté comme cela, ce n’est pas très encourageant, mais l’analyse des chiffres n’invite pas à un optimisme délirant.
Comment sont rémunérés les auteurs ?
Les écrivains perçoivent des droits d’auteur qui représentent généralement entre 7% et 12% du prix du livre hors taxes. Pour faire simple, si l’on prend l’exemple d’un droit de 10% sur un ouvrage à 20 € HT, l’auteur touchera 2 € par livre vendu. C’est d’ailleurs optimiste, puisque d’après le Guide des auteurs de livres 2017, « un auteur de livres perçoit en moyenne 1 € par exemplaire vendu ! » Prenons tout de même 2 € par livre, afin de ne pas nous décourager. Il vous faudra donc en vendre 10 000 par an pour obtenir un revenu annuel de 20 000 €, ce qui est à peine supérieur au SMIC. Je ne parle pas ici des impôts et autres charges, cela fera l’objet d’un prochain article. « Est-il facile de vendre 10 000 exemplaires par an ? » me direz-vous. Eh bien, non, puisque ce chiffre est souvent considéré comme le seuil d’un succès éditorial, voire d’un best-seller, et que très peu d’ouvrages l’atteignent.
Le cas de l’à-valoir
Dans l’édition traditionnelle, l’à-valoir est une avance sur les droits d’auteur qui peut-être versée en tout ou partie au moment de la signature du contrat. Calculé par l’éditeur sur la base des prévisions de vente de l’ouvrage, il est généralement considéré comme acquis pour l’auteur, indépendamment des ventes réelles. Le 6e baromètre de la SCAM de mars 2015, cité par Cahier et Sutton dans Publier son livre à l’ère numérique, révèle que seul un auteur sur deux se voit offrir un à-valoir. De plus, « Près des trois quarts des à-valoir proposés dans les derniers contrats sont inférieurs à 3 000 € et 38 % des auteurs concernés par un à-valoir ont perçu pour leur dernier contrat un à-valoir inférieur à 1 500 € ».
Combien de livres peut-on espérer vendre ?
Si vous parvenez à franchir le mur de l’édition (je ne parle pas ici de l’autoédition qui fera l’objet d’un autre article), sachez que c’est déjà une victoire en soi puisque d’après l’Annuaire à l’Usage Des Auteurs Cherchant un Éditeur, le taux moyen d’acceptation d’un manuscrit chez un éditeur est de l’ordre de 2%. Une fois passé ce premier obstacle sur lequel butent la plupart des débutants, ne vous attendez cependant pas à vendre des quantités astronomiques de votre livre. Un premier roman dépasse rarement les 1 000 exemplaires. Si, si, vous avez bien lu : 1 000 exemplaires sont un palier rarement atteint par un nouvel auteur.
Sur son blog, l’auteur anonyme Stoni, qui semble en connaître un rayon sur les coulisses de l’édition, avance que vous aurez 50% de probabilité de vendre moins de 300 exemplaires, 90% d’en vendre moins de 1 000 exemplaires et seulement 1% d’en vendre plus de 2 000. Est-ce que les choses s’améliorent par la suite ? Pas nécessairement.
Des revenus le plus souvent insuffisants
On lit souvent que les auteurs constituent le maillon faible de la chaîne du livre. Le Guide des auteurs de livres 2017 précise que « 90% des auteurs perçoivent un revenu en droits d’auteur inférieur au SMIC.. ce qui explique que les deux tiers des auteurs exercent une autre activité professionnelle ». Et la situation ne s’arrange pas puisque le même document souligne que l’on assiste ces dernières années à une baisse générale des revenus des auteurs. Car si le nombre de titres publiés annuellement progresse, environ 70 000 nouveautés par an en France, les ventes stagnent ou régressent dans le même temps, tandis que le prix des livres reste stable. Parallèlement, on constate une concentration accrue des ventes dans le haut du classement, la « best-sellerarisation ». Les gros succès de librairie vendent davantage pendant que les autres se contentent de miettes de plus en plus réduites. En 2016, les 10 plus gros titres ont écoulé entre 275 000 (Le jour où j’ai appris à vivre de Laurent Gounelle) et 700 000 exemplaires (Harry Potter et l’enfant maudit de J.K. Rowling) d’après Edistat. Les écrivains à succès sont donc l’arbre qui cache la forêt des auteurs précaires et de ceux dont l’écriture n’est pas la première activité. 98% des auteurs publiés ont un autre métier, constate le sociologue Bernard Lahire dans La condition littéraire (La Découverte).
Pensez à un plan B
Bon, voilà, tout cela n’est peut-être pas très emballant, mais ne vous découragez pas puisqu’un auteur averti en vaut deux. Si vous voulez écrire et publier des livres, foncez, mais prévoyez un plan B. Vous pouvez consulter l’article précédent qui recense différentes pistes d’activités rémunératrices liées à l’écriture en cliquant ici. Pour une comparaison avec les revenus de l’autoédition, je vous recommande cet autre article.
Frédéric Buffa